A new home [Boom Ganache]

J’étais en nage, mes membres semblaient être à deux doigts de me lâcher. J’en avais assez de labourer ce champ immense. J’avais la désagréable impression que nous n’en verrions jamais le bout. Pourtant, après deux bonnes heures d’harassant travail sous un soleil de plomb, le fermier prononça ces quelques paroles qui me remirent du baume au cœur ; « Allez Boom, on a fini pour aujourd’hui. ». D’un coup d’œil en arrière, je constatai l’immense tâche que j’avais accompli et ne revins pas d’être encore debout sur mes quatre jambes. L’homme, dont le chapeau de paille ombrageait une partie du visage, me gratifia de quelques tapes amicales sur l’encolure. Je m’en sentis très fière. Après avoir demandé à deux aides agricoles de ramener la charrue à la grange, je fus soulagée d’être libre des puissants harnais qui me tenaient solidement attachée à l’outil. Une des aides revint avec un licol que je me laissais passer sans rechigner. Le fermier, trop occupé pour me pomponner confia cette tâche au jeunot qui lui avait emmené mon licol. Je crois qu’il s’appelait John...ou peut-être Jim. On voyait, à son teint halé, qu’il passait du temps dehors, galopant du champ à la grange, de la grange aux écuries et des écuries aux prés. Bien qu’il ne semblait pas avoir plus de vingt ans, je sentais la vigueur dans ses mains, fermement agrippées à la longe. Il devait être l’un des humains les plus attentionnés que je connaisse. J’aimais beaucoup quand c’est lui qui prenait le relais...au moins j’étais sûre d’être bichonnée et d’avoir une récompense. Aujourd’hui, j’étais d’autant plus heureuse puisque je savais qu’il allait m’emmener au pré.

Attachée par un anneau, je trépignais d’impatience à l’idée d’aller me rouler dans l’herbe grasse et de prendre enfin un peu de temps pour me libérer l’esprit de toutes ces corvées accablantes. En appuyant vigoureusement le couteau à chaleur sur ma robe, il parvint me débarrasser du plus gros de la sueur. Il me fit briller le poil et, sous mes hennissements d’impatience, finit promptement d’achever mon pansage. Enfin, il défit le nœud et me guida jusqu’au pré. A peine m’eut-il libérée du licol que je galopai tranquillement jusqu’au centre de l’étendue jaunâtre. J’allais grignoter quelques brins d’herbes quand le son d’un galop me fit brusquement redresser l’encolure. Je ne suis pas seule au pré on dirait. En effet, plus loin, le regard perdu dans les myriades de feuilles qu’offrent les hautes cimes de la forêt, ce cheval à la robe peu commune me semblait ailleurs. Je ne me rendais pas compte mais je le fixais vraiment des yeux, les oreilles pointées à l’extrême vers lui. L’encolure baissée, je ne bougeais plus d’un poil, observant attentivement ce nouveau venu. Oui parce que j’étais certaine de ne jamais avoir entrevu un seul centimètre carré de sa robe bleue dans le coin. Au bout de quelques minutes, il se retourna, me faisant sursauter. En fait je ne m’y attendais vraiment pas. Je répondis à ses paroles par un sourire amical.

« - Salut, tu es nouveau dans le coin non ? » Je roulai mes yeux dans leurs orbites, me traitant mentalement d’idiote, évidemment qu’il était nouveau, je ne le connaissais ni d’Eve ni d’Adam « Moi c’est Boom Ganache, tu as l’air d’apprécier cette forêt… » Constatai-je en désignant cette dernière de la tête.