Aie confiance ... ou pas [pv Songe d'une nuit]

Je marchais depuis le lever du soleil, profitant de la douce caresse du soleil sur mon pelage. Le vent faisait virevolter les feuilles tombées à terres, les dernières fleurs commençaient à faner et, un avec un brin de nostalgie, je m’arrêtais quelques secondes pour observer la nature mourante. Les arbres de la forêt étaient tous teintés d’orange et de rouge, l’herbe palissait à vue d’œil, et malgré la froideur qu’annonçaient ces couleurs, elles te réchauffèrent le cœur. Elles avaient cet aspect accueillant, cette chaleur qui donnait envie de s’y nicher. Je repris ensuite ma route, les brindilles craquant sous mes sabots. La lisière de la forêt se dessina à l’horizon, ce qui me fit sourire. Un rien me rendait heureuse, depuis que j’étais ici. Je n’avais pas rencontré beaucoup de personne, mais j’avais découvert bien mieux. J’avais découvert le rire, la joie.

Je partis au galop, sautai par-dessus un tronc couché au sol puis sortit de la forêt, respirant un air frais et sec. Je continuais ma course folle pendant plusieurs minutes, savourant le vent sur mon visage. Ce même vent qui m’avait guidés sur ces terres et qui, le soir, soufflant dans les branches nues des arbres, me racontait des histoires pour que je m’endorme. L’herbe verte laissa peu à peu place à un paysage aride, bien différent des vastes prairies où j’allais d’habitude. Un gros rocher se dressait au milieu d’une étendue de roche, entourés de multiples conifères. Je marchais vers lui, passant par une grande flaque d’eau, et alors que j’écoutais le clip clop de l’eau sous mes sabots, je sentis une odeur. Une odeur d’étalon.

J’avais mis un point d’honneur à ne pas rencontrer d’étalon. J’avais mes chaleurs depuis plusieurs jours, et il était hors de question que j’ai un poulain avec n’importe quel étalon. Je contournais le gros rocher et le vis. Debout, au milieu de la roche, son pelage alezan ressemblait à de la rouille. Le souffle court, je fis plusieurs pas en arrière, manquant au passage de trébucher. Non non non non non … Que tu es bête ! Pourquoi tu n’as pas fait demi-tour ? Je me redressais, essayant de cacher ma peur.

« Désolé, je … Je m’en allais. »

Il se rapproche de moi doucement en me regardant, plongeant ses yeux brun dans les miens. Ils sont glaciales, si bien que je n’arrive pas à voir à travers. Que veut-il ? Peut-être rien. Il affiche un air amicale qui, après avoir l’air forcé, à l’air tout à fait naturel. Mais je ne m’autorise pas à me relâcher. Les muscles tendus, je le regarde fixement : s’il s’approche de trop, je pars.

« Vous partez déjà, sans même admirer la beauté de ce lieu ? »

Quelle beauté ? C’est un paysage aride, sans vie, qui ne mérite vraiment pas le détour. Qu’est-ce qu’il prépare pour dire une phrase aussi débile ? Il se rapproche encore, et je frissonne en avalant ma salive. Je fais d’autres pas en arrière pour m’éloigner de lui. Quand je vois que malgré ça, il continue de s’accrocher, je bande mes muscles, prête à déguerpir.

« Je ne sais pas pourquoi mais je vous sent légèrement mal à l'aise ma chère. »

Je lâche un rire moqueur.

« Je suis flatté, vous avez vu mon malaise. »

Mais malgré ça, malgré moi, je me détend. Tous les étalons ne sont pas forcément … Des étalons ! Enfin, ils ne sont pas tous mauvais, si ? Après tout, Slow m’a bien sauvé d’un cougar, et j’ai parlé à de multiple étalon qui était en couple, et on ne peut plus sympathique. Même leurs compagnes disaient à quel point ils étaient doux et compréhensifs. Et les poulains adoraient leur père. Allez, Songe. Essaie de t’en faire un ami. Je lui souris et le laisse s’approcher. Pas trop près non plus, il ne faut pas rêver. Malgré les apparences, je suis sur mes gardes. Il m’en faut plus que ça pour le laisse venir se coller à moi.

« D’où venez-vous ? Vous devez vivre dans un paysage bien morne pour venir ici, où il n’y a que de la roche. »

je le regarde amicalement. Une voix dans ma tête me dit que je devrais essayer de l’accepter, car il est sûrement gentil et sympathique. Mais une autre voix me dit tout le contraire et, à vrai dire, peut-être que je devrais l’écouter, elle.

Il a l’air sympas, après tout.
Que tu es naïve, Songe, que tu es naïve …

Je le regarde réfléchir un cours instant puis l’écoute me répondre.

« Pas vraiment. Je suis originaire des terres de Storm mais le gout de l'inconnu m'attire énormément. Je suis un explorateur. Même si cela signifie venir se perdre dans des paysages parfois vides. »

C’était un solitaire, en fait. Un explorateur. Quelqu’un qui, comme moi, aime voir de nouvelles choses, chaque jour que les Etoiles font. Et puis, cela se voit qu’il voyage. Ses pattes longues et musclées, son apparence forte, sa musculature apparente. Son pelage alezan colle parfaitement avec ses yeux bruns, d’abord glaciale, mais désormais chaleureux. Je ne suis pas en train de tomber amoureuse. Si je prends à la légère beaucoup des paroles que ma mère à prononcer quand j’étais petite, il y a une chose que je crois. L’amour au premier regard. Et si au début, j’ai eu peur de cet étalon, maintenant je ne ressens rien. Il m’amuse. Sa maladresse s’amuse.

« Et vous ma chère, que peux bien attirer ici une jument avec votre charme ?»

J’hausse un sourcils en le regardant. Il veut faire connaissance. Quoi de plus normal ?

« Je suis une solitaire et comme je n’ai malheureusement pas eu beaucoup d’occasion de voyager durant mon enfance, j’en profite, désormais. »

Nouveau sourire. Puis ses paroles font tilt dans mon esprit. Les terres de Storm ? A ce que j’ai compris, Storm est la grande sœur de Slow. Peut-être qu’il a des nouvelles de lui. Il m’a sauvé, il m’a dit que c’était normal, puis il est partit. Depuis, aucune nouvelle. Peut-être est-il toujours là-bas. Peut-être est-il partit. Peut-être est-il mort. Mis je n’ai pas envie de penser à ça. J’ai pensé ressentir quelque choses pour qui, mais il est partit trop vite pour que je puisse savoir ce que c’était. J’espère que ce n’était que de l’amitié. Si c’était de l’amour, alors je ne pourrais plus jamais aimer personne.

J’enrage. Si seulement ma mère m’avait parlé de tout ça, au lieu de me dire seulement « Quand ce sera le bon, tu le sauras. » ! Comment savoir si j’aime quelqu’un ? Chaque sensation est différente, alors comment savoir lequel de ces sentiments est l’amour ? Merci, mère. Merci infiniment de m’avoir gardé sous une bulle toute ces saisons. Maintenant, je découvre le monde, et j’ai comme l’impression que personne n’est plus stupide et naïve que moi.

[Tu peux y aller ]

Je reste perdu dans mes pensée pendant plusieurs secondes. Je ne le vois pas avancer, reculer, me contourner. Mais je l'entend. Ses paroles me réveillent d'un seul coup, comme un coup de fouet sur la croupe, comme un coup de sabot au dessus de l'œil.

« Allez au travail ma belle. »

Je redresse la tête alors qu'il grimpe sur ma croupe. Qu'est-ce qu'il fait ? Comme si je ne le savais pas. J'essaie de ruer mais il est trop lourd. J'essai de partir, mais il me tient trop bien. Et puis il est trop tard. Alors je ne bouge pas, tétanisé, tandis qu'il descend et s'éloigne au galop. Je le regarde, alors qu'il se retourne vers moi, l'œil pétillant. Il avais l'air joyeux. Un larme coule sur ma joue et vient s'écraser au sol. Je chuchote quelques mots, trop bas pour qu'il puisse les entendre. Ils sont à peine audible, si bien que moi-même, j'ai du mal à les entendre.

« Pourquoi ?.. »

La tristesse et la confusion disparaissent petit à petit, laissant place à une rage que j'ai du mal contenir. Je ne me suis jamais laissé emporter par la colère. Je me le suis formellement interdit. Mais là, c'était trop. J'avance de quelques pas en le fusillant du regard. Je fait un pas vers lui, puis un deuxième. Il est allé trop loin. Et moi qui croyait qu'il était sympas ! C'est qu'il sait s'y prendre ! Il m'a fait les yeux doux, et comme une cruche, je suis tombé dans son piège ! Mais je la voix, désormais, la vérité. Je le voix tel qu'il est maintenant. Un étalon arrogant, un sans cœur, un briseur de vie, un petit con.

Je marche jusqu'à lui et le regarde en face. Puis je crie. De toute mes forces. Je fais sortir toute ma rage dans ce mot.

« POURQUOI ? »

Alors je me cabre et lui assène mon sabot en plein dans l'œil. L'étalon fait plusieurs pas en arrière, titubant sous le coup. Je retombe souplement au sol, renâcle des naseaux puis, refoulant mes larmes, je pars au galop en direction de la forêt. Arrivée, je me couche au sol dans un tapis d'herbe et de feuille morte, laissant couler toute mes larmes. Puis une fois la rage évanouie, je regarde mon ventre, et une bouffée de joie m'envahit.

Je vais être maman.